La vérité est devenue un actif stratégique, au même titre que vos données, vos équipements, vos talents, etc. Et comme tout actif, elle doit être protégée. Cette affirmation peut sembler hallucinante… hors contexte. Lorsqu’on se penche sur les tendances majeures des cyberattaques IA, l’affirmation devient beaucoup plus évidente, voire effrayante, non seulement pour les organisations – privées et publiques – mais aussi la société entière. Que devra-t-elle si tous nos repères sont brouillés, sautent ? Si, ce qui est blanc, est noir… ou pas, ce qui est juste devient faux… ou pas ? Sans ces repères, plus de confiance et que des doutes.
L’enjeu que les malveillants nous posent avec l’IA, en provoquant des crises réputationnelles, juridiques ou politiques, est le pouvoir et forcément, l’argent. Pour préserver notre avenir, et celui des générations futures, nous devons réagir maintenant. Ce n’est pas un hasard si le président français a décidé de créer un ministère de la Vérité.
Nous sommes toutes et tous concernés par le devoir de protéger l’intégrité de nos informations, qu’elles soient économiques ou politiques. Comment ? Voir cette page.
Pourquoi cette urgence de s’atteler à une gouvernance de la vérité ? C’est ce que nous démontrons ici… pour les entreprises, les maires, les collectivités, les responsables santé, les dirigeants de family offices.
- Pourquoi la gouvernance de la vérité est devenue un enjeu vital ?
- Ce que cela signifie concrètement pour les organisations
- Les risques concrets pour maires, chefs d’entreprise, dirigeants de family offices et d’établissements de santé
- Différence d’impact avec vs. sans gouvernance
Qu’est-ce que la gouvernance de la vérité ?
Voir notre encadré.
Pourquoi la gouvernance de la vérité est devenue un enjeu vital
La crise actuelle de la vérité n’est ni accidentelle ni conjoncturelle. Elle résulte de quatre transformations structurelles simultanées qui ont profondément modifié la nature de l’information, sa circulation et son pouvoir.
- L’explosion des canaux d’information
- L’accélération des flux d’information
- L’industrialisation du faux
- Le déplacement du pouvoir
NB : les gens ne détectent le faux que 60 % du temps en moyenne lorsqu’ils essaient de distinguer des contenus vrais et faux en ligne (source : OECD)
1. L’explosion des canaux : la fin des rares gatekeepers
Pendant des décennies, l’information circulait à travers un nombre limité d’intermédiaires : institutions, médias, experts reconnus.
Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, exemptés légalement de leur responsabilité du contenu publié sur leurs plateformes depuis 1996 aux Etats-Unis et 2000 en Europe, chaque organisation, chaque individu, chaque bot est devenu un média, avec sa perception de la réalité, sa vérité. Et les algorithmes ont le rôle informel d’arbitre de « l’information ».
Cette multiplication des voix et ce statut légal particulier, que les GAFAM et consorts exploitent sans vergogne, a mené à plusieurs conséquences plus ou moins néfastes.
- Fragmentation de l’espace et l’opinion publics
- Suppression des filtres traditionnels de moralité, protection et de modération
- Diffusion instantanée de récits concurrents, contradictoires ou hostiles, soit au nom de la liberté d’expression soit pour déstabiliser l’opinion, mais toujours sans vérification.
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Dans cet environnement devenu toxique, la vérité n’émerge plus par autorité mais par visibilité et répétition. Ce qui est le plus partagé n’est pas ce qui est le plus exact, mais ce qui est le plus émotionnel, clivant ou mobilisateur.
Les travaux académiques montrent que les fausses informations se propagent plus vite, plus loin et plus profondément que les informations vérifiées, précisément parce qu’elles exploitent ces dynamiques sociales et émotionnelles (MIT / Science).
Conséquence directe : le silence, l’attentisme ou la neutralité informationnelle deviennent des vulnérabilités.
Quelques chiffres parlants
Selon un sondage mondial de DemandSage mené en 2025, 86 % des personnes exposées à de la désinformation en ligne et 40 % du contenu partagé sur les réseaux sociaux pourrait être faux et presque 80 % des adultes aux États-Unis ont vu au moins une fake news dans leur vie.
58 % des répondants à une enquête Ipsos/Unesco estiment que la haine en ligne est la plus répandue sur Facebook, suivie de TikTok, X et Instagram, ce qui montre que les plateformes dominantes sont des vecteurs clés de la désinformation.
2. L’accélération des flux d’infos a abouti à décider avant de comprendre
La vitesse, pour ne pas dire la course après le temps, est devenue une contrainte structurelle. Les dirigeants, élus, responsables de la communication et des rédactions éditoriales doivent :
- décider plus vite
- communiquer plus tôt
- réagir sous pression
… souvent avec des informations incomplètes. Or, plus les flux s’accélèrent :
- moins il y a de temps pour vérifier
- plus les erreurs se figent en décisions
- plus les récits initiaux deviennent dominants, même s’ils sont faux.
Plus
Les organisations internationales parlent désormais de “pollution informationnelle” ou d’“infodémie” : une surabondance d’informations — vraies et fausses — qui rend la distinction presque impossible sans cadre structuré (OMS, ONU).
Sans gouvernance de la vérité, les organisations confondent vitesse et lucidité.
3. L’industrialisation du faux : quand la vérité devient falsifiable à grande échelle
Avec l’IA générative, la vérité a changé de statut.
- Une image n’est plus une preuve
- Une voix n’est plus une identité
- Un texte n’a plus d’auteur
- Une vidéo n’est plus un fait
Grâce à la technologie, la production de contenus crédibles mais faux est désormais :
- rapide
- peu coûteuse
- difficile à attribuer
- presque impossible à contenir a posteriori
Les deepfakes, les documents synthétiques, les faux rapports ou les récits automatisés ne sont pas produits seulement pour nous amuser ou convaincre. Des groupes ou individus malveillants, pour des raisons financières et/ou politiques, visent souvent à installer le doute, à rendre toute version contestable, à épuiser la capacité de discernement.
C’est ce que plusieurs institutions appellent désormais la crise de l’intégrité informationnelle (ONU, OCDE, UNESCO).
Dans ce contexte, ne pas gouverner la vérité, c’est accepter qu’elle devienne négociable.
4. Le déplacement du pouvoir : de l’autorité vers le récit
Historiquement, le pouvoir reposait sur la loi, l’expertise, la hiérarchie, l’institution. Aujourd’hui, c’est le règne de l’influence, où ce qui compte est la capacité à :
- imposer un récit
- orienter une perception
- définir ce qui est crédible ou non
Le savoir devient accessoire au profit du storyteller qui contrôle alors :
- la légitimité
- la confiance
- le sujet
- la réaction collective
Les attaques contemporaines, qui ciblent les organisations et dirigeants tant privés que publics de toute nature, ne visent pas d’abord les systèmes techniques. Leur but est de casser la crédibilité et tuer la parole, par la manipulation… des opinions et des modèles IA que nous utilisons sans avoir nécessairement le discernement et la formation utiles à leur usage.
La gouvernance de la vérité est donc une gouvernance du pouvoir, pas une question morale.
Ce que cela signifie concrètement pour les organisations
Qu’il s’agisse des maires, des chefs d’entreprise, des dirigeants de family offices et d’établissements de santé, cette situation implique une réalité inconfortable :
- La vérité ne se défend plus seule
- La conformité ne garantit plus la crédibilité
- La transparence sans cadre peut devenir une faiblesse
- La communication sans gouvernance devient un risque
Sans gouvernance de la vérité :
- les décisions reposent sur des bases instables
- les crises se transforment en spirales
- la confiance s’érode durablement
- la responsabilité des dirigeants est engagée
Les risques concrets pour maires, chefs d’entreprise, dirigeants de family offices et d’établissements de santé
Les maires
Les collectivités locales sont désormais en première ligne des crises de vérité. Elles ne font plus face uniquement à des fausses rumeurs ou des oppositions classiques, mais à des attaques narratives structurées : deepfakes visant des élus, contenus truqués diffusés sur les réseaux sociaux, amplification algorithmique de récits hostiles, campagnes coordonnées pour influencer l’opinion locale ou bloquer des projets sensibles. Sans gouvernance de la vérité, les communes réagissent au cas par cas, dans l’urgence, souvent trop tard — laissant des récits faux ou manipulés s’installer durablement dans l’espace public et fragiliser la légitimité démocratique locale.
Les chefs d’entreprise
Que ce soit les PME ou grandes structures, les risques sont multiples. Le plus courant est réputationnel par l’exposition à des campagnes de désinformation, des contenus truqués mais convaincants, initiées par des concurrents, des activistes ou même des acteurs étatiques, si l’activité est stratégique. Les hackers ne sont pas en reste avec la manipulation des modèles IA utilisés dans les chatbots ou les pricing dynamiques, par exemple, essentiels dans les secteurs du e-commerce ou l’hôtellerie, le transport, le tourisme). Sans oublier cette autre menace bien plus sérieuse, qu’est le vol de modèles IA, qui constituent une propriété intellectuelle critique.
Les family offices
Les family offices, à l’image des grandes institutions financières, s’appuient de plus en plus sur des modèles algorithmiques et des systèmes d’IA pour analyser les marchés, orienter les investissements et gérer le risque. Ces modèles, qu’ils soient internes ou fournis par des tiers, peuvent être manipulés : empoisonnement des données, biais introduits dans les flux d’information, détournement de modèles génératifs ou attaques sur la chaîne de fournisseurs. Le risque n’est pas seulement financier. Il est réputationnel et stratégique : une décision erronée produite par un modèle perçu comme “objectif” fragilise durablement la confiance et la gouvernance patrimoniale. Sans gouvernance de la vérité, l’IA devient un vecteur de manipulation silencieuse des décisions les plus sensibles.
Les établissements de santé
Les établissements de santé sont exposés à des crises de vérité aux conséquences potentiellement vitales. Dans un environnement où la crédibilité des données cliniques, des recommandations médicales et des protocoles de soins conditionne directement les comportements des patients et des professionnels, la désinformation, les contenus manipulés et les usages non gouvernés de l’IA peuvent provoquer des décisions dangereuses, des retards de soins, voire des pertes de chance. Les établissements font désormais face à des risques nouveaux : manipulation ou altération de données médicales, recommandations générées ou amplifiées par des systèmes d’IA mal gouvernés, deepfakes médicaux, faux avis d’experts, campagnes de désinformation ciblant des traitements, des vaccins ou des institutions hospitalières. La pandémie a révélé à quel point l’absence de gouvernance de la vérité fragilise l’action sanitaire, désorganise les chaînes de décision, érode la confiance des patients et expose les établissements à des crises systémiques, juridiques et réputationnelles durables.
En somme
La question n’est plus de savoir si la vérité est attaquée. Elle l’est déjà. La seule question est désormais qui la gouverne, avec quelles règles, et dans l’intérêt de qui ?
Différence d’impact avec vs. sans gouvernance
En bref.
| Sans structure dédiée | Avec une gouvernance claire |
|---|---|
| Les décisions se fondent sur des preuves incomplètes ou biaisées | La vérité devient mesurable, traçable et défendable |
| La communication réactive remplace la stratégie proactive | Les attaques narratives sont anticipées, pas subie |
| Les crises se transforment en spirales incontrôlables. | La résilience organisationnelle augmente |
| La confiance interne et externe s’effondre. | La gouvernance globale devient robuste face aux crises |
Qu’est-ce que la gouvernance de la Vérité
Elle ne se résume pas à du fact-checking ou à de la communication de crise.
La gouvernance de la vérité est un cadre de règles, de responsabilités et de processus visant à définir, valider, documenter et protéger l’intégrité de l’information au sein d’une organisation, afin d’assurer que les décisions, les communications et les actions reposent sur des faits vérifiables, traçables et défendables.
Définition inspirée de sources officielles* sur l’intégration de l’information.
Son rôle et ses objectifs
- Définir ce qu’elle considère comme information fiable et vérifiable.
- Documenter, tracer et valider ses propres données et affirmations.
- Réagir de façon cohérente face aux attaques narratives, fake news et manipulations.
- Assurer transparence, responsabilité et cohérence dans la communication interne et externe.
* Sources officielles utilisées :
- UNDP – Information Integrity – « Promouvoir des informations fiables, résilientes et dignes de confiance est essentiel à la cohésion sociale et à la confiance institutionnelle. » (UNDP)
- OCDE – Fighting Disinformation – La nécessité de renforcer l’intégrité informationnelle comme élément de la gouvernance démocratique et économique.
Aujourd’hui, gouverner la vérité n’est plus un luxe pour quelques spécialistes de la communication ou de l’éthique. C’est une nécessité opérationnelle pour sécuriser la prise de décision, protéger la réputation et assurer la pérennité de ton organisation.
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